Encore une porte qui claque derrière elle. Ki Young grimace, le visage un peu pâle et resserre sa prise sur son sac en soupirant. Un nouveau travail de perdu et en trois semaines, un nouveau record. Mais malheureusement elle n'y pouvait rien, tomber malade n'était jamais amusant et ses employeurs se montraient compréhensifs une ou deux journées, ensuite c'était trop et le jour où elle tentait de revenir au travail, elle se faisait tout bonnement renvoyé sans avoir le temps de s'expliquer, ni même de trouver un arrangement. Elle les détestait tous, comment peuvent-ils ne même pas vouloir l'écouter ne serait-ce que quelques minutes ? Sa voix était donc si peu importante que ça ? Qu'ils aillent au diable. De toute façon, elle ne pouvait pas se dire qu'elle n'avait pas l’habitude, c'était bien là tout le contraire. Une vie semée d'injustice et d’embûches.

Cela avait commencé dès sa naissance. Elle avait été un nourrisson comme les autres, jusqu'à ce qu'on lui trouve un souffle au cœur. Son père et sa mère, déjà parent d'un garçon, n'avaient pas du tout les moyens de lui payer des médicaments nécessaires pour qu'elle puisse vivre le plus normalement possible, sans être trop gênée par sa maladie. Maladie dont son père était déjà atteint. Ki Young a du faire attention très tôt à sa santé, pour éviter de tomber malade. Chaque petite infection pouvait entraîner des endocardites infectieuses, ce qui étaient extrêmement chers à soigner. Quand ça lui tombait dessus, ses parents, qui ne gagnaient déjà pas des masses, faisaient des heures supplémentaires pour réussir à lui payer les soins nécessaires. Avec un salaire de facteur et d'ouvrière, il fallait parfois plusieurs semaines avant qu'ils ne réussissent à amasser la somme nécessaire, car il fallait aussi faire vivre une famille de quatre personnes. Bien que petite à l'époque, la coréenne exprimait déjà l'envie d'aider ses parents, elle se sentait un peu responsable, mais ceux-ci tentaient de limiter les efforts de leur fille pour éviter que la maladie ne prenne trop d'ampleur.

À dix ans, Ki Young perdit son père d'une insuffisance cardiaque, la maladie avait gagné la guerre contre son paternel. Après cela, sa mère a commencé à avoir très peur pour sa fille, l'empêchant de l'aider trop durement, son frère avait du prendre beaucoup de responsabilités à ce moment-là. La jeune fille qu'elle était s'était souvent indignée de voir sa mère travailler aussi dur sans obtenir aucune reconnaissance. Leur famille était mal considérée, au vu de leurs dettes et de la pauvreté dans laquelle ils vivaient. Si elle aurait pu trouvé un refuge quelque part, ce n'était certainement pas dans les études. Elle avait manqué tellement de jours d'école, qu'elle fut renvoyé plusieurs fois pour absentéisme. Et quand elle accompagnait sa mère qui tentait de leur faire obtenir des aides sociales, une place dans une autre école et toute autre tâche administrative, Ki Young ne put qu'assister silencieusement mais indignée à l'indifférence et au dédain. Elle voyait sa mère se faire renvoyer de services en services car leur situations était si catastrophique qu'il était impossible de les aider.

L'injustice. C'est avec ce sentiment qu'elle n'arrivait pas encore définir, bien que l'ayant connu depuis sa naissance, que Ki Young grandit petit à petit. Personne ne les aidait, personne ne les écoutait et en plus de cela, son frère commençait peu à peu à s'éloigner d'elles pour ses études. Ki Young, elle, enchaînait les petits boulots au noir, pour tenter de gagner un peu d'argent rapidement, mais cela ne durait jamais bien longtemps avec sa santé fragile. Quand son frère quitta la maison à 19 ans, la jeune fille de 16 ans cru devenir folle. Elle ne le comprenait pas. Comment pouvait-il aller faire sa vie ailleurs, alors qu'elles peinaient à joindre les deux bouts ? Rompant tout contact avec lui, la coréenne refusa de lui parler de nouveau, ignorant ses appels ou ses lettres. Ki Young perdait peu à peu tous les membres de sa famille, soit dans la mort, soit dans la fuite. C'est à sa mère, bien que fatiguée par tout ça, qu'elle s'accrocha car elle n'avait jamais baissé les bras et la coréenne ne pouvait être que fière d'elle. Pourtant on la lui arracha aussi alors qu'elle avait 20 ans. La mafia cette fois-ci, il semblerait que pour aider à payer quelques soins pour sa fille, sa mère avait du emprunter de l'argent et n'a pas réussi à les rembourser à temps. Ki Young n'eut même pas le temps d'émettre un avis ou juste une quelconque protestation, sa mère avait déjà préparé quelques affaires pour elle dans une valise avant de lui faire quitter la maison. C'est la dernière fois qu'elle vit sa mère.

C'était aussi la dernière fois qu'elle avait son propre toit sur la tête. Après ça, Ki Young dû errer de squats en squats, ayant trop peu d'argent pour réussir à conserver le moindre appartement, même minuscule. Elle avait beau enchaîner les boulots, elle n'arrivait jamais à les garder assez longtemps, à cause de sa santé fragile et si jamais elle déclenchait une endocardite infectieuse, elle devait se priver encore plus pour tenter de payer les soins, tout en restant malade pendant plusieurs longues semaines. C'est d'ailleurs à cause de cette maladie que la jeune femme ne fut pas contacté par Athéna, pas assez bien pour elle sans doute, hein ? On ne voulait que des personnes en bonne santé, capable de servir au mieux le pays. La coréenne acceptait de moins en moins sa condition, qu'elle trouvait injuste. Injuste de ne pas pouvoir avoir de quoi vivre alors que d'autres se payaient des biens matériels tous plus chers les uns que les autres. Des choses qu'elle n'aurait jamais. Et bien sûr c'était eux que ce pays protégeait, eux que ce pays aidait. On n'avait jamais pris la peine de se préoccuper de son sort quand elle tentait de demander de l'aide pour vivre, non sa situation était trop précaire, il y avait d'autres personnes avant elle. La seule personne sur qui elle aurait pu compter était son frère, mais après son départ, elle n'avait plus jamais voulu le revoir et vu comment elle vagabondait, il aurait du mal à la retrouver.

Pourtant depuis quelques temps, Ki Young avait retrouvé un peu foi en l'humanité. Car sa situation s'était considérablement amélioré, pas parfaite, mais elle n'aurait jamais imaginé retrouver un vrai toit au dessus de sa tête, dormir dans une vraie chambre, manger à sa faim, d'ailleurs son estomac n'avait pas trop l'habitude. Oui car depuis plusieurs semaines, la jeune femme vivait chez un architecte qui lui avait ouvert la porte de chez lui alors qu'il l'avait trouvé, ivre morte sur le trottoir. Au début, quand elle s'était réveillée dans cet appartement si classe, elle avait cru qu'elle rêvait. Elle avait voulu partir aussi, elle ne voulait pas de pitié de la part d'une personne qui avait l'air de bien gagner sa vie, pourtant il lui proposa un marché assez honorable. Ki Young était loin d'être bête, cracher sur quelque chose qu'elle avait toujours espéré aurait été stupide. Alors elle accepta de devenir la femme de ménage de Ying Jie, de faire la cuisine et tout ce qu'il voulait pour la maison, et en contre-partie, elle eut sa propre chambre, sans se soucie de payer quoi que ce soit.

Rentrant dans l'appartement, la jeune femme posa son sac sur le sol avant de regarder l'ensemble. Elle n'aurait jamais espéré un jour atterrir dans un endroit pareil, vraiment pas. Néanmoins, cela n'avait pas arrangé ses soucis de santé, ni de travail, elle n'arrivait jamais à se fixer. Elle avait peur de mettre sa maladie en avant, qui voudrait embaucher une malade ? Mais si elle ne le faisait pas, personne ne comprendrait pourquoi elle tombait si souvent malade. Il allait quand même falloir trouver un autre boulot, elle s'en préoccuperait demain, pour l'instant elle avait des choses à faire avant que Ying Jie ne rentre. Passant devant la porte de la chambre de l'architecte, elle s'arrêta quelques instants. Elle n'avait pas le droit d'y rentrer, cet interdit avait été posé dès le départ et elle n'avait rien dit, mais elle se demandait bien pourquoi. Il y avait tant de choses qu'elle ne savait pas sur lui, il faudrait qu'elle remédie à ça, qu'elle connaisse un peu mieux cette personne qui l'avait extirpé de la misère. Passant devant la télé, la jeune femme l'alluma et tomba sur des informations à propos de la lutte terroriste. Zappant, la jeune femme dut faire plusieurs chaînes pour trouver quelque chose qui ne rappelait pas que le pays était en pleine guerre. Son avis là-dessus était flou, pourquoi plaindre un pays qui ne l'avait jamais fait pour elle ? Même si elle n'approuvait pas les méthodes de ces terroristes, elle ne pouvait pas plaindre la politique, la justice ou la police.

Ki Young a du caractère, un fort caractère et ce n'est pas ceux qui la connaissent qui peuvent dire le contraire. Même quand on ne la connaît pas, on le voit à son attitude, à cette façon qu'elle a de vous observer, de vous jauger pour voir quelle personne vous êtes. Très déterminée, mais surtout butée, quand elle se fixe un but, elle se fiche du nombres d'obstacles, la vie a déjà bien été dure avec elle, elle ne renoncera jamais devant quelqu'un ou quelque chose qui lui bloque la route. Les échecs ne la stoppent pas, elle arrive toujours à se remotiver pour continuer.

Courageuse, elle tente de passer outre sa santé fragile, elle peut même en faire parfois un peu trop, mais dans sa tête, elle ne pense qu'à sa mère qui se tuait chaque jour à la tâche pour tenter de nourrir sa famille correctement. Cette femme n'a jamais baissé les bras, alors la coréenne s'est promis de lui ressembler, pour qu'elle soit fière qu'importe où elle soit en ce moment. Un jour quand elle la retrouvera, elle lui montrera qu'elle est devenue une personne aussi forte qu'elle. Son entêtement peut parfois agacer, mais elle s'en fiche. Voilà pourquoi elle n'ira pas faire le premier pas pour retrouver son frère, s'étant sentie trahie, elle ne veut plus avoir affaire à lui et n'en démordra pas. On peut d'ailleurs rajouter qu'elle est assez rancunière la demoiselle, si vous lui faites un sale coup, elle saura s'en souvenir au moment venu pour vous le rendre.

Malgré tout, elle reste néanmoins une jeune femme de nature joviale et serviable. On dit toujours que ce sont les plus pauvres les plus généreux, même en ayant pas grand chose à leur table, il arrivait souvent à sa mère de nourrir les mendiants encore plus pauvres qu'eux. Ki Young a récupéré ce trait de caractère de sa mère, mais ce qui est sûr c'est que sa compassion sera beaucoup plus difficile à avoir si vous êtes de la classe aisée, car elle n'ira certainement pas plaindre une pauvre petite riche qui s'est cassé un ongle ou un talon d'une paire à six mois de salaire parce qu'un voleur lui a arraché son téléphone. Néanmoins, la jeune femme reste très empathique du malheur des autres, elle a très longtemps vécu dans la misère et ne peut s'empêcher de compatir et de se souvenir de ce qui lui a inculpé sa mère. Il lui arrive de récupérer quelques restes quand elle cuisine pour les emmener à des personnes qu'elle a connu quand elle vivait encore dans des squats.

Assez maladroite autant physiquement que littéralement, il lui arrive de mettre le doigt pile sur ce qu'il ne faut pas dire sans le faire exprès. La jeune femme reste une personne sincère et elle se retient assez peu pour dire ce qu'elle pense, n'hésitant pas à défendre en y donnant de sa personne. Elle tombe d'ailleurs très souvent dans des débats lorsque des sujets sensibles – ou non – arrivent sur le tapis, il lui ait déjà arrivée de débattre sur le départ d'un des acteurs d'une de ses séries préférées pendant bien trois heures, en bonne passionnée qu'elle est. L'alcool l'aide aussi beaucoup à délier sa langue, même si certains sujets, dont un en particulier, ne nécessite absolument rien pour l'embarquer dans des discours post-révolutionnaires. La justice. Mot à ne jamais prononcé devant Ki Young sauf si vous voulez qu'elle s'énerve, qu'elle crache sa haine sur cette soit-disant justice qui règne dans le pays. Elle ne peut même pas concevoir que des personnes croient encore en ce concept en Corée. C'est quelque chose de totalement mort, inexistant, juste de quoi faire espère la population à un semblant de paix. Leur dire que quoi qu'il arrive, la justice sera rendue. Foutaise. Comment y croire après avoir vécu et vu tant d'injustice ?  

x Ki Young a un souffle au coeur et elle tombe facilement malade depuis qu'elle est toute petite. Elle se choppe d'ailleurs assez souvent des endocardites infectieuses à cause ça et elle peine à les faire soigner, par manque d'argent. Sa santé plus que fragile l'a empêché d'intégrer Athéna. Elle sait qu'une opération existe pour réduire les risques d'endocardites, mais la somme est bien trop onéreuse, alors elle se contente de soigner quand elle le peut, ses infections petit à petit. Elle ne sait pas combien de temps sa santé va tenir ainsi, elle a déjà perdu son père de cette maladie. De plus, sa santé bancale ne lui permet pas d'avoir un travail à long terme, ses patrons sont bien souvent agacés par cette employée qui tombe régulièrement malade et qui n'est pas capable de rester en forme très longtemps.