Ecouteurs dans les oreilles, ce bon vieux son des années 80 accompagne Shin dans son petit voyage. Le coeur bombé, la gorge nouée, parfois, il rêve en secret de s'évader de ce pays merdique en compagnie de toute sa clique. Mais pour aller où? Au Japon? La situation n'a pas l'air meilleure. En occident? En Amérique? No way bro. L'Afrique? Trop dépaysant.

Mais c'est comme ça, la vie bat son plein et Shin se laisse flotter, évacuant toutes ses soudaines mauvaises pensées pour laisser place à son optimisme inné. The Show must go on! Ainsi va la vie! Il avance machinalement. Après tout, depuis toutes ces années, le chemin qui mène au garage n'a pas changé, et il le connaît sur le bout des doigts, à un tel point que c'est rentré dans ses gênes et qu'il n'a plus à faire attention à où il met les pieds. Il ébouriffe ses cheveux qui sont un peu plus longs que la norme admise par le règlement intérieur d'Arès. Mais au feu les règles, qu'elles brûlent allègrement! Le voilà finalement arrivé. Pas de surprise, Shen peut l'apercevoir d'où il est, assis sur le trottoir devant son garage. Shin, tout sourire s'installe à ses côtés et lui tend un sachet rempli de canettes de bières. De sa poche, il sort un paquet de cigarettes. Il s'en prend une qu'il allume avant d'en proposer une à celui qui est son meilleur ami depuis des lustres. Il inspira la fumée, la gardant quelques instants dans sa gorge avant de la laisser s'échapper doucement. « Quelle tête d'enterrement! Je viens illuminer ta vie et même pas d'la joie en toi qui s'voit sur ta tête. » Il tourne le visage vers lui tout en souriant légèrement. « Ça roule les affaires? » Le brun fouille dans le sachet afin de s'accaparer de l'une des canettes, de l'ouvrir et d'en boire une grande partie du contenu. Shen a pas l'air au mieux de sa forme. A moins que ce soit les propos de Li Hua qui influence sa façon de voir son ami. Qui sait?

T'as l'air pensif assis sur ton trottoir devant le garage à fixer un point invisible sur le trottoir d'en face. T'as juste l'air parce que tu ne pense à rien. T'en à marre de penser, de réfléchir. Tu cogites trop et d'habitude toi tu réfléchis pas. Tu laisses les autres se prendre la tête s'ils ont rien d'autre à faire, toi ça t'amuse pas. T'en a marre de cette guerre, elle te paraît interminable. Elle vient pourtant de commencer mais tu vois pas comment elle pourrait se terminer. Tu sais pas vraiment pourquoi le monde se fait la guerre, l’État n'en parle pas. Dans ta tête c'est plus une guerre de pensées, un truc stratégique. Le problème avec la tactique c'est que les pertes se comptent en civils. Combien de morts comptent les brigadiers dans leur rang, moins que la population certainement. Et les terroristes, même pas la peine de faire les comptes. Parfois t'as des envie de meurtres et t'es certainement pas le seul et pourtant personne ne fait rien. Tu ne fais rien. Combien sont-ils à coopérer sous la menace comme toi ?

Tes yeux lâchent ce bout de trottoir sur lequel ils se sont posés, tu relève la tête. Ton regard se dirige vers le fond de la rue, il fait pas mauvais aujourd'hui. Ouais il fait bon et t'as même de la visite. Ton meilleur ami souriant arrive et s'installe à côté de toi. De la bière et des cigarettes, pas mauvaise la journée non plus. Tu fumes pas souvent mais tu dis pas non à une petite cigarette. Tu piques le briquet pour l'allumer un merci s'échappe de tes lèvre, un peu de fumée aussi. A sa remarque tu lui adresse un sourire forcé qui s'efface aussitôt juste pour le faire chier. T'as jamais été très communicatif mais au fond t'es bien content – et pas qu'un peu – de le voir là. « Ouais un peu trop. J'ai même une nouvelle employée. La fille elle débarque de nul part et dit qu'elle veut bosser ici, t'imagine le truc ? » Tu parles comme s'il n'y avait pas de guerre. Tu fais pas exprès c'est juste que l'insouciance de Shin t'arrache à la réalité. T'es la tu piques une bière, pas de terroristes dans l'air. T'en oublierai presque qu'il est à Ares du coup tu pense même pas à demander si tout va bien chez les militaires.

Shin est vraiment heureux de voir son pote, le meilleur même. Mais c'est étrange, depuis que Li Hua est allée le voir, il ne peut être pleinement content parce que trop d'inquiétude en lui. Si Shin est pas un gars qui se prend vraiment la tête, surtout quand ça le concerne lui, c'est tout autre chose quand il s'agit de ses proches. Il n'a pas eu réellement de famille et tout comme pour Shen, son existence n'est pas une des plus faciles, c'est pour cela que ce mec, il le considère comme un frère, et un frère c'est une famille et cette famille là, ce frère et cette belle-soeur, il veut pas les voir partir en éclat, il veut les protéger contre tout et s'il le faut, il est prêt à crever pour eux. C'est con dit comme ça, ça fait cul-cul et Shin n'en parle jamais à personne de cette visiion qu'il a de ses proches, parce que justement c'est guimauve, que ça le fait pas pour un mec de parler comme ça et de toutes façons, la parole n'a jamais été le dada de notre cher héros mélomane, il préfère l'action et le jour où il faudra agir, il sera là. Un p'tit rire s'échappe de sa bouche lorsque son ami lui offre un sourire forcé.« En fait, j'préfère quand tu tires la gueule, autrement t'es moche. »  Il écoute son pote parler du garage et il est heureux d'apprendre que malgré le fait qu'on soit en temps de guerre, ses affaires roulent bien. « Sérieux? Une minette au garage? Pas trop déconcentré? »  demande-t-il sur le ton de la rigolade. Une gorgée de bière, une latte de fumée dans les poumons et son visage devient sans le faire exprès plus sérieux. « Et ça va avec mistinguette? » Mistinguette étant le surnom favoris que Shin a donné à Li Hua.