La notion du temps t'as réussi à la perdre en à peine un an. Faut dire que l'heure tu t'en fichais. La date c'était autre chose parce que t'avais besoin de savoir combien de temps il te restait. Pourtant plus tu comptais les jours au trou et plus ils te paraissaient longs. Alors t'as arrêté de les compter. T'as juste attendu de sortir. Laisser du temps au temps. Et le jour de ta sortie est enfin là. Ta cellule s'ouvre. Jusqu'à l'extérieur tu ne décroche pas un mot aux policiers. Tu n'as rien à leur dire et eux non rien à t'offrir. De l'air, la lumière du jour t'aveugle presque. Liberté. Tu es à nouveau livré à toi même. T'as été enfermé une année mais t'as toujours personne pour t'écouter. Personne pour t'aider dans ton avenir. C'est vrai que t'aurai refusé toute aide, c'est plus le bon moment. La seule aide qu'on t'apporte c'est pour le déplacement. On te demande si t'as besoin qu'on te ramène vers ton garage ou si ta copine vient te chercher. T'es fiché, ils connaissent ton dossier par cœur et ils en jouent. De quoi t'énerver à peine dehors, parce que tu le connais le ton de ces policiers. Ils s'en foutent de comment tu rentres. Tu ne leurs réponds pas et trace ta route. Aujourd'hui tu rentrera à pied. Li Hua doit te retrouver au garage. T'es pas pressé, tu sais qu'elle bosse. A force de marcher t'arrive enfin. Tu rentres, tu vois pas ton père. Pas grave. Il t'as pas manqué le paternel. Tes yeux se posent sur un gars assis sur le capot d'une voiture. « T'es qui toi ? » Tu parles mieux aux clients mais tu sais qu'il en est pas un. Quel client irait se foutre sur une voiture avec cet air ?

Vient mon petit, avance vers l'antre du loup. Là où tu crois te sentir en sécurité, tu perds tout repère. Ton père a fui, et toi fier comme un paon, te diras que la vie s'acharne sur toi. Tu as raison et je suis là simplement pour te le rappeler: ta vie craint.

Tao attend sagement l'arrivée de Shen. Oh Shen, tout droit sorti de prison. Pas un mauvais garçon, pas de ceux qui tuent pour rire, qui battent pour voir jusqu'à quand un corps peut tenir. Un impulsif seulement, un émotif, un de ceux à qui on peut faire ce que l'on veut avec un moyen de pression. Et c'est bien ce que le terroriste compte faire. Il a racheté ce garage, il a décidé d'en faire un lieu de contrebande et a tout mis en place pour que Oh fils ne soit pas contre et encore mieux, qu'il collabore. Il attend alors tranquillement, assis sur le capot d'une voiture -ouais il fait dans l'originalité.

Le voilà qui arrive enfin, Tao reste confiant et lui tend une lettre, celle d'Arès, tout sourire. « C'est amusant de les voir si désespérés au point de demander à un ancien prisonnier de les rejoindre. » Il se lève et lui donne alors la lettre avant de faire quelques pas, les mains croisées dans le dos. « Ton père a vendu le garage. » Annonce-t-il de but en blanc, sans compassion aucune. « Tu n'es plus ici chez toi. »

La question qui vient de franchir tes lèvres reste sans réponse. Apparemment il n'est pas encore décidé à te révéler son identité. Tu ne sais rien de lui mais lui semble en savoir beaucoup sur toi. Elles sont rares les personnes qui connaissent ton histoire. Elles sont tellement rares qu'il n'y en a qu'une : Li Hua. Tu ne comptes pas ton père vu que ta vie c'est lui qui la faite. Tu ne comptes pas non plus les flics. Tu ne les considèrent même pas comme des personnes. Juste des robots bons à lire des cassiers judiciaires et à suivre les ordres et la loi aveuglement. Et lui là tout sourire il a rien d'un robot. Tu ne sais pas d'où sors ce gars qui prend ses aises comme s'il était un habitué. Et encore même un habitué n'agirait pas de cette façon. Tu récupère la lettre à contre cœur, parce que tu n'es pas curieux. Mais si elle peut te permettre d'en savoir un peu plus sur ce qui se passe alors tu veux bien jouer les curieux. La lettre t'oblige à aller à Ares. C'est la guerre et ils cherchent des moutons à jeter en pâture. Tu froisse le papier, le roule en boule et le met dans ta poche. Sans rien dire. Il a pas besoin de savoir ce que tu penses même si ton geste veut tout dire. Il reprend la parole et c'est comme si tu recevais encore un coup de couteau dans le dos. Dans le cœur. Encore une cicatrice à supporter. « Il est où ce connard ? » Non tu vois aucun problème à insulter ton père qui n'est même pas là pour te fournir des explications.

« Sûrement en Thaïlande entrain de roucouler avec le fric qu'il a récupéré de cette vente? » répond-il d'un ton un tantinet moqueur. Il se masse la nuque, se collant alors contre un mur, d'un air nonchalant. Il reprend son air sérieux, croise les bras et fixe alors le coréen de son air regard froid habituel.« Tu n'iras pas à Arès. » Il soupire, marquant un temps de silence avant de reprendre d'un ton calme et posé. « Qu'on soit clair. Tu bosses toujours ici. Je vais faire mon business et tu ne m'en empêcheras pas. Va y avoir de la contrebande, et toi t'aidera à que tout se déroule bien. Tu veilleras aussi à que ça ne s'ébruite pas. T'es une couverture. Et tu refuseras pas mon p'tit. » Un nouveau sourire se dessine sur son visage anodin et il s'avance finalement vers le jeune homme avant de s'arrêter devant lui. « Il ne vaudrait mieux pas qu'une certaine Li Hua disparaisse soudainement de ta vie, n'est-ce pas? » Effet de surprise? Tao apprécie le spectacle, il ressent la rage de l'opposant et est fier de pouvoir, une nouvelle fois, asseoir sa domination sur le monde. Shen n'a pas le choix.

Même pas le temps de récupérer d'un an passé derrière les barreaux que la vie s'acharne à nouveau sur toi. Tu savais que t'aurais dû lâcher ton père depuis longtemps. T'y as pensé en prison. Tu fais pas de plans, tu te projette jamais dans l'avenir mais le devenir de votre famille t'y as beaucoup pensé. Ce jour devais arriver et c'était peut être un pressentiment en prison. Mais qu'est ce que tu pouvais faire entre quatre mur sans visites de lui. Il passait au début, t'aurai pu faire quelque chose. Mais c'est bien parce qu'à la fin il passait plus que les questions se sont multipliées. Ce ton moqueur t'énerve mais moins que le coup de couteau dans le dos venant de ton père. C'était son garage, son héritage mais surtout ton seul toit. Et maintenant l'armée qui veut te donner un toit. Quelle ironie. A peine sorti de derrière les barreaux qu'on te demande de jouer les couvertures pour contrebande. Le visage assombrit et le regard noir tu n'en place toujours pas une parce qu'il s'avance et tu sens qu'il en a pas fini. Il parle de Li Hua et ton sang ne fait qu'un tour. Tu l'attrapes, tes poings se serrent sur ses vêtements. « Ne parle pas d'elle. Ne t'approche pas d'elle. Ne prononce même pas son prénom. » Li Hua, Li Hua elle te manque elle est la première personne que t'aurais du voir aujourd'hui, au lieu de ça un inconnu te parle de le laisser faire son business. Tu le relâche en le poussant violemment, il est pas sérieux celui là. « Trouve toi une autre couverture. » Tu reprends ses mots. « Je suis plus ici chez moi. » Tu fais demi tour, c'est pas que tu fuis c'est que t'as besoin de voir si Li Hua va bien, tout de suite.

Tao n'est pas surpris par le soudain excès de colère du jeune homme et le laisse à sa guise le prendre par le col. Il l'a bien étudié le petiot, pendant qu'il était en prison. Il en a fait des recherches sur lui et c'est bien pour ça, pour son impulsivité qu'il l'a choisi. C'est plus simple de faire chanter quelqu'un d'émotif plutôt qu'un impassible. Ça n'est pas juste pour Shen, mais sérieusement, qu'est-ce qui est juste dans ce monde? Rien du tout.  « C'est pas toi qui donne des ordres ici. » Ferme et sec, Tao s'impose. Le terroriste se rattrape comme il le peut et se met à rire légèrement.  « Je fais parti d'une organisation terroriste, crois-tu vraiment que je vais te laisser faire ce que tu veux! Tu vas nous aider, et si tu ne coopères pas, je tue ta petite-amie, rien de plus. Et crois-moi, je ne lance pas de paroles en l'air. » Il sourit en s'adossant contre un mur.  « Tu reprends le boulot demain à huit heures pétantes.» Tao croise les bras, satisfait, son plan a fonctionné.

La colère monte en toi, elle monte d'un coup en entendant les menaces sur Li Hua. Et t'en devient violent. En réponse à ta violence t'as droit à une phrase ferme et sèche. Il y a même un rire qui te parvient aux oreilles, ce gars a vraiment un soucis. Tu le dévisages avant de lui tourner le dos. Malgré ses mots et les tiens, ici c'est chez toi. Et même si t'agis comme si t'en avais rien à faire de ces quatre murs t'y tiens. Mais tu tiens quand même plus à Li Hua et savoir comment elle va est plus important. Le reste peut attendre. Mais pas pour l'inconnu. Cette fois ton sang se fige au mot terroriste. Tu t'arrêtes, tes poings se serrent. Tu sais reconnaître les menaces, celles qui sont sérieuses de celles qui sont là juste pour faire peur. Tu le crois et tu sais déjà que ta vie ne sera plus la même. Ta fierté t'oblige à ignorer sa dernière réplique. Pour protéger Li Hua tu sera la le lendemain. Tu donnes un violent coup de pied sur du matériel qui traîne sur le sol pour extérioriser tes émotions. Tu te dirige vers la sortie mais juste avant tu te retourne vers le terroriste satisfait de son petit jeu et tu répète « Ne t'approche pas d'elle. » en te fichant royalement de qui donne les ordres quand il s'agit de ta petite amie.