Tu t'allonges à même le sol. À ses côtés, tu admires silencieusement le ciel étoilé. Tu te sens si bien, là, avec elle. Un fin sourire aux lèvres, tu fermes les yeux, puis tu prends la parole.

« Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? Que tu étais toujours en contact avec elle. Pourquoi me l'avoir caché aussi longtemps ?... J'ai reçu une lettre à ton nom. Je me suis permise de l'ouvrir curieuse de savoir qui pouvait bien être l'expéditeur et qu'elle ne fut pas ma surprise. Elle s'excusait du temps de réponse, te demandait de mes nouvelles et semblait te remercier une énième fois pour ce que tu as fait. Pour elle, comme pour moi. Quand j'y pense, est-ce que je te l'ai déjà dit ? Merci ? Je ne sais plus... Quoi qu'il en soit, je me suis permise de fouiller un peu dans tes affaires, à la recherche d'autres lettres du genre. Vous semblez avoir beaucoup échangé toutes les deux. Ceci dit, je suis déçu, tu sembles lui avoir envoyé quelques photos de moi, pourtant, je n'en ai jamais vu d'elle. J'aimerais bien savoir pourtant à quoi elle ressemble, ma mère... Je sais, tu me l'as déjà décrite, mais elle avait seize ans à l'époque. Elle a dû changer, tu ne penses pas ?... Moi, j'en suis persuadé. Tu sais pourquoi ?... Parce qu'à l'époque, elle était grosse, mais surtout c'était une jeune femme perdue qui n'avait pas d'autre choix que de se prostituer, dont les traits devait être tirée par la fatigue et dont l'expression du visage n'évoquait rien de très joyeux. Mais aujourd'hui, elle semble dit s'être épanoui. Grâce à toi y paraît. Ah... Elle a aussi dit qu'elle était prête à me revoir, tu y crois à ça ? Mais, tu sais quoi... Je n'ai pas envie... Je sais que c'est une chose dont tu as toujours eu peur, que je te quitte pour elle, pour la chercher. Pourtant, tu le sais bien, ça ne m'a jamais effleuré l'esprit. Je n'en ai jamais eu envie. Je n'en ai pas envie. Quand bien même tu ne m'as jamais caché la vérité sur ma mère, quand bien même tu m'as toujours interdit de t'appeler maman... Je crois que tu es celle à qui j'ai assimilé se rôle. Je veux dire, tu as toujours été là pour moi, même à ma naissance. Bon, ok... C'est toi qui as fait accoucher ma mère dans un motel piteux, mais voilà. Tu es la première personne qui m'a tenu dans les bras. Bon, tu es sage-femme, mais bon.... Je te dois tout. Je vous dois tout, à toi et à ton frère. Vous avez toujours tout fait pour que je sois heureuse. Sérieusement, j'avais cinq ans que vous m'avez demandé mon avis avant de venir vivre en Corée pour savoir si cela me convenait... Cinq ans... Je n'étais qu'une gamine, vous l'auriez fait sans que je le souhaite que je ne m'en serais très certainement pas souvenu... Alors quand bien même, je n'en veux pas à cette femme, je n'ai aucune envie de la rencontrer, elle n'est qu'une inconnue pour moi. Avant de lire cette lettre, je ne savais même pas son prénom. Puis, de toute manière, même en étant plein de bonne volonté, je n'aurais pas grand-chose à lui dire je crois... Enfin, je veux dire. Tu lui as dit ce qu'elle avait à savoir, que j'avais été "scolarisé" à domicile par tes soins et ce de ton frère et qu'au jour d'aujourd'hui je suis fossoyeuse. Le reste, elle n'a pas besoin de le savoir. Le reste, personne ne doit le savoir. Tu me l'as toujours dit. En même temps, je ne suis plus assez stupide pour dire ouvertement qu'au collège j'ai secrètement été impliqué des histoires de trafics d'organes, que je kidnappais les chats et les chiens du voisin pour expérimenter deux/trois petits trucs sur eux avec vous, que vous m'avez initié à la science et aux recherches médicales et médicinales, mais que je m'y livre de façon illégale, que je vole des corps récemment mis sous terre par mes soins au cimetière où je travaille pour les disséquer et en apprendre plus sur le corps humain et que je profite de la guerre pour jouer les savants fous sur des humains qui semblent trop mal en point pour ne pas succomber... Vous avez fait de moi quelqu'un de détraqués quand même... Mais on n'a toujours fait ça que pour faire avancer la médecine, n'est-ce pas ? Nous n'avons rien de fou. Nous ne sommes pas mauvais. Nous sommes justes différents. Les fous sont ce qui se battent pour rien et qui ôte la vie à des êtres dit méchants alors qu'ils ne sont que leurs reflets... Quand j'y pense, je suis bien heureuse de ne pas être Coréenne, ainsi je n'ai pas à me livrer à cette guerre stupide. De toute manière, je n'aurais pas pu... Je ne t'en ai pas parlé. Je ne suis sûr de rien à vrai dire et j'ai trop peur d'aller consulter, d'abord parce que je préfère ne pas savoir, mais ensuite, parce que tu le sais, j'ai peur depuis toujours des médecins. Quelle ironie quand on y pense... Quoi qu'il en soit, j'ai des migraines de plus en plus violentes et ma vision se fait de moins en moins net et légèrement trouble. Par moment, je ne discerne plus rien. Mais je ne perdrais pas la vue, n'est-ce pas ?... »

Tu soupires en y pensant. Tu trouveras bien un remède, n'est-ce pas ? Oui. Bien sûr que oui. Ou pas. Tu ouvres les yeux, ton sourire bien que faible est toujours là, n'en demeure pas moins qu'une larme se faufile sur ton visage. Tu es pitoyable à venir, depuis deux ans, sur ton lieu de travail le soir pour pleurer sur la tombe de cette femme qui t'a élevé comme ta propre fille et ce depuis ta naissance.

Un dernier murmure quitte tes lèvres, un merci, ce merci que tu ne te souviens pas lui avoir déjà dit. Puis tu t'en vas, tu rentres chez toi. L'air de rien, tu quittes ce cimetière que tu connais comme ta poche. Demain, tu iras voir cet homme qui a participé à ton éducation, cet homme mis en prison pour votre style de vie différents. Cet homme qui a su couper vos liens à temps pour que tu ne sembles pas être impliquer.

En apparence, Feng peut sembler timide, voire froide. Mais il ne s'agit là que d'une image. C'est en réalité une jeune femme très sociable. Bien que ni trop bavarde, ni pas assez. Elle s'exprime avec aisance et sait également faire preuve d'une grande écoute. Elle peut parler pendant des heures, faire des monologues ne l'embête absolument pas, tout comme en écouter ne lui pose aucun problème, et ce, quand bien même si vos dires ne lui plaisent. Feng a des idées parfois bien arrêtés sur les choses, ça fait d'elle une jeune femme assez têtue, ceci dit, si elle campe sur ses positions, elle n'imposera à personne son point de vue. Après tout, chacun est libre de penser comme il veut et cela permet le débat. Il s'agit d'une chose qu'elle apprécie tout particulièrement. Elle pourrait débattre sur tout et n'importe quoi. Bien sûr, il lui arrive parfois de s'emporter, mais elle sait généralement preuve de patience et de retenue. En effet, il est rare de la voir véritablement énervé. Comme il est rare de la voir pleurer, déprimer, où  que sais-je. Feng n'est pas quelqu'un de très démonstratif, ou du moins, elle ne montre unique ce qu'elle veut bien que l'on voie d'elle. Bien qu'elle soit véritablement souriante et optimiste, tout est loin d'être toujours tout beau tout rose pour elle, parfois, elle aimerait pleurer, crier, déprimer, et ce, même en public, mais c'est une chose qu'elle se refuse de faire. Parce qu'elle ne veut pas inquiéter, parce qu'il s'agit de sa vie, de ses problèmes. Parce que ça ne regarde qu'elle. Parce qu'elle a aussi son petit monde, que personne n'a le droit d'y entrer et que craquer, ça serait créer une brèche par laquelle on pourrait éventuellement s'infiltrer, et ça, il en est hors de question. Parce que Feng c'est une jeune femme passionnée par des choses qui peuvent vous échapper. Parce que Feng, elle ôte parfois la vie. Parce que Feng elle vole des dépouilles. Tout ça, sans l’once d'un remords. Elle le fait pour la science et la médecine. Mais tout ça, elle se doit de le garder pour elle. Elle n'est pas stupide, elle ne peut pas en parler. Alors elle se fait discrète. Elle ne parle pas d'elle et quand elle le fait, le plus souvent, elle ment. Mentir, c'est pourtant une chose qu'elle n’apprécie guère, mais tout le monde le fait, n'est-ce pas ? C'est pour ça qu'elle ne fait pas confiance. Après tout, n'importe qui peut mentir n'importe quand. Elle se méfie de tout le monde. Personne n'est fiable. Elle ne s'interdit pas de s'attacher, mais elle ne peut faire confiance même à ce qu'elle aime, parce que de son côté, elle trahit bien la leur de confiance.
Feng, elle ne sait pas trop si elle a encore toute sa tête, mais elle estime avoir un grand cœur, alors c'est le plus important. Elle en est persuadé, elle est belle à l'intérieur, parce que son cœur l'est. Mais si finalement, ce qu'elle faisait de bien, c'était juste pour se déculpabiliser de ce qu'elle faisait de mal, ça changerait toute la donne, non ?

Elle semble perdre la vue.
Elle recueille des blessés chez elle, qu'importe ce qu'ils défendent.
Elle fait des expériences sur des êtres mourants, humain comme animaux.
Elle vole parfois des corps pour les examiner.
Elle a été impliqué dans un trafic d'organe quand elle était plus jeune.