La vie est une menteuse qui se délecte de votre incompréhension et se nourrit de votre souffrance.

Ji Kwang avait une vie classique sans heurte ni préoccupation particulière. Il avait un père peu présent voire quasi absent. Mais il avait un frère. Un mentor, un héro, un dieu dont personne n’avait ni le droit ni le mérite de salir le nom. Depuis ses premiers pas jusqu’à ces deux dernières années : il n’a pas un seul souvenir sans son frère. Il faisait partit intégrante de sa vie et de son monde. L’avenir n’existait pas sans le visage et la voix de son grand frère. Il était ce genre de petit frère collant son grand frère et l’imitant à n’importe quelle occasion. Il adorait le suivre, comme un poussin avec sa mère. Il s’extasiait pour chacun de ses faits et gestes. À l’âge adulte, ses paroles étaient mères de savoir. Il n’était pas aussi intelligent que lui, quand son frère arrivait à se souvenir de choses en une rapidité extrême, il lui fallait des heures. Quand il voulait obtenir les mêmes notes que son frère à son âge, il devait s’enfermer des heures dans sa chambre. Il avait d’autres qualités qu’il ne voyait simplement pas à l’époque.

Mais la vie est venue lui retirer ce qu’il avait de plus précieux au monde. Elle lui a volé son frère sans même lui en donner la raison. Mort ? Kidnapping ? Disparition ? Assassina ? Il n’en savait rien. Et il n’en saura peut-être jamais rien. Mais c’est ce jour là qu’il comprit que la vie n’avait parfois ni justice ni bonté. C’est ce jour qu’il comprit qu’il ne pouvait pas suivre le chemin de son frère et qu’il devait tracer le sien. Avait-il jamais été sevré ? Peut-être que non… Mais cette séparation soudaine lui enfonça l’autonomie sous l’épiderme d’une manière brutale et rapide. À présent, ce n’était plus la vie de son frère et la sienne. C’est juste lui.

Ce fut l’attentat du 22 décembre qui fut le déclic. Il éprouva ce sentiment d'injustice et d'insécurité que le poussa à réellement s'engager dans la brigade. Il voulait protéger les pères et les mères, les frères et les sœurs, les amis et les petits amis. Il voulait sauvegarder ce que la vie, bien que fourbe, leur laissait comme un os jeté à chien pour le féliciter : les relations. Il ne supportait plus les pleures et le chao qui suivait la mort d’une personne. Il n’arrivait pas à surmonter sa propre détresse mais il voulait éviter la peine que cela pourrait infliger à autrui. La brigade anti-terroriste fut sans doute le choix le plus important de sa vie qu’il fit seul pour la première fois. Il s’y engagea corps et âme. Bien qu’il ne soit pas un membre exemplaire, le travail poli et soigné qu’il fournit lui vaut souvent les éloges de ses supérieurs. Chose qu’il ponctue avec quelques réprimandes quand il se dévie de sa mission principale pour s’attarder à sa mission personnelle.

Cause bien noble me direz-vous que de s’engager pour autrui. Mais chaque humain a une autre facette. Ce serait mentir que de dire qu’il n’a qu’une vision altruiste de son engagement dans la brigade anti-terroriste. Ce serait mentir de dire qu’il ne le fait cela que pour des inconnus. Ce serait mentir de dire qu’il ne le fait pas également pour lui. Car, dans les missions qu’il a fait et qu’il fera, il espère bien un jour entendre un nom : Lim Ki Kwang. Il voudrait pouvoir mettre un mot sur la disparition de son frère. Il aimerait trouver ce que personne n’a pu jusqu’à présent : ce qui est arrivé à son frère. Et pour cela, il n’a aucun remord à sortir des sentiers battus, à défier des ordres et à se mettre dans des situations dangereuses : pourvu qu’il obtienne des réponses.

La vie est une amertume constante où quelques douceurs s’ajoutent parfois.

Durant le peu de temps de service effectué, les quelques morts de ses collègues ont renforcé son caractère et sa motivation. Dans son appartement, il passe ses journées à récolter des informations sur tout ce qui semble le mener à son frère. Honnêtement, les murs de sa chambre ressemblent plus à un ramassis d’hypothèses plus farfelues les unes que les autres. Il n’est pas surdoué mais il n’est pas stupide : il y a très peu de chance qu’une seule de ces hypothèses ne tiennent la route. Pourtant il les garde. Car il sait que pour son boulot, ces informations seront, un jour où l’autre, utiles.

L’ironie de sa vie a été de croire que la disparition de son frère serait le sevrage nécessaire à son évolution. Son illusion a été de croire qu’il arriverait à vivre sans son frère. Sa naïveté a été d’être convaincu qu’il pourrait surmonté ça seul. Mais toutes les décisions qu’il a pris, bien qu’il les ait fait seul, avaient en but caché : son frère. Au fond de lui, il sait que s’il ne peut pas mettre un point final sur cette partie primordiale de sa vie, il ne pourra pas avancer pour lui-même.

Et cette haine qui l’habite pour les terroristes sera sans doute sa perte. Terroristes qu’il croit persuadé d’avoir influencé, par un moyen ou un autre, sur la disparition de son frère. Terroristes qu’il sait responsables de morts et de souffrances. Terroristes qu’il juge commanditaires de tous les maux pourrissant la société dans laquelle il vit. La course poursuite sans fin dans laquelle il s’est engagé ne se terminera sans doute jamais. Lui-même ne prévoit pas de s’arrêter. Pourtant, si seulement il savait ce que la vie lui réserve comme douceur acidulée, peut-être aurait-il choisi un autre chemin.

On disait de lui qu’il était un enfant remplie de vitalité, de joie, de bonté et de loyauté. Ji Kwang, c’était le gamin à rendre servir à quiconque lui donnait un sourire. C’était le petit à se mettre en plein milieu d’une bagarre pour arrêter ses amis. C’est le petit qui courrait après son grand frère dès qu’il le croisait à l'école. Toujours un sourire aux lèvres. C’était le petit protecteur haut comme trois pommes qui se retrouvait avec des bleus sur les joues et souvent dans des situations qu’il n’arrivait plus à gérer. Mais le petit Ji Kwang a toujours voulu s’élever contre la méchanceté, quitte à en être la nouvelle victime.
Il n’a pas bien changé l’enfant qui a grandit en croyant que le monde avait de la beauté même dans son malheur.

Il n’est pas du genre à engager une conversation. Peut-être parce qu’il avait l’habitude de laisser son frère démarrer les conversations et qu’il se cachait derrière son dos protecteur. Ce n’est pas qu’il n’aime pas les gens ou qu’il a peur de parler, il ne se sent juste pas à l’aise avec des inconnus. Il préfère rester en retrait et analyser la situation plutôt que d’animer une discussion. Grâce à ça, Ji Kwang arrive très facilement à analyser les gens. Il lui suffit de voir les expressions de leurs visages, les petits gestes inhabituels sur leur corps, leur changement de ton et il arrive à se faire une idée de ce que les autres pensent réellement. Combien de fois a-t-il pris soudainement la parole pour venir détruire l’argumentaire d’une personne et lui prouver qu’il mentait mal. De cette attitude réservée s’ajoute naturellement un caractère discret. Ji Kwang, c’est un peu la personne à qui on ne prêtera pas attention dans une discussion mais qui analysera chacune de vos paroles. Il préfère écouter plutôt que parler. Bien que cela ne soit pas le cas lorsqu’il connaît les personnes. Avec des proches, il se révèle légèrement plus bavard et un peu moins silencieux.

La vie a fait de lui un bosseur appliqué et sérieux. Pour un projet qu’il lui tient à cœur, il s’impliquera toujours à 100%. Il y donnera toute son énergie quitte à s’épuiser. Il n’a pas peur de repousser ses limites pour arriver à accomplir ses objectifs. Il n’a pas peur de se mettre en danger pour réussir. Il est prêt à donner tout ce qu’il a pour réussir ce qu’il a entreprit. Et cela, autant sur un plan personnel et professionnel. Vous pouvez être sûr que s’il vous fait une promesse, il fera tout pour la tenir et que dans le cas contraire, il fera tout pour trouver une solution de secours. C’est sans doute de là que vient sa loyauté sans borne pour les causes qui lui paraissent justes.

Mais le plus gros défaut de Ji Kwang est sa naïveté. Jusqu’à encore quelques années, il pensait réellement que les terroristes avaient des raisons justifiées pour agir de la sorte et qu’avec un peu d’empathie, tout le monde pourrait peut-être les comprendre. Utopique. Il l’a bien compris. Cependant, il n’a pas perdu son défaut. Il a besoin de voir le « mal » sous ses yeux pour y croire. Il a besoin de voir une trahison pour briser une amitié. C’est assez paradoxale comme il arrive facilement à analyser les gens et pourtant comme il continue à leur faire confiance en leur trouvant des excuses. Mais au fond de lui, il reste en alerte. Seulement, cette alerte se déclenche bien trop souvent au dernier moment.

- Il sait lire sur les lèvres. C’est une capacité qui lui est venue naturellement à force d’analyser les gens, leur visage et leur comportement.
- Il ne parle à personne de toutes les recherches qu’il fait pour retrouver des informations sur son frère. Il veut pouvoir récolter ces informations librement et les utiliser à sa guise sans que personne n'essaie d'y fourrer son nez.