ILL OMEN ★ FEAT. TAO

La nuit était tombée depuis quelques heures quand Ga Ram s’apprêtait à quitter son appartement pour rejoindre celui de sa compagne. A peine eut il franchit le seuil de sa porte, son téléphone sonna. Soo Mee, songea-t-il. Elle souhaitait sûrement à quelle heure il comptait arriver. Pourtant, quand il jeta un coup d’œil à l’écran du cellulaire, ce fut un tout autre nom qu’il lut. Déglutition. Il décrocha rapidement. Une voix masculine lui somma de venir au quartier général, immédiatement. Le nord-Coréen se contenta d’approuver, ajoutant qu’il quittait son appartement dans les prochaines seconde. L’appel fut écourté dans les prochaines secondes. Inquiet, il fit un double tour à la serrure, descendit au pas de course les marches de l’escalier, quitta le bâtiment.

La démarche rapide, Ga Ram suivit instinctivement le chemin qui le mènerait au plus vite au siège de Kérés. Téléphone toujours en main, il s’empressa d’envoyer un message à Soo Mee pour lui dire qu’il ne pourrait pas la rejoindre ce soir. A la fin, il précisa qu’elle ne devait sous aucun prétexte répondre à ce message. Mesure de prudence. Ensuite, il supprima un à un tous les éléments qui pouvaient l’incriminer. Le numéro de la brigadière, les appels émis et reçus de ce même numéro, chaque message. Rien ne fut laissé. Tout du moins, rien qui ne puisse faire penser qu’il était toujours en contact avec elle.

Ce que Ga Ram redoutait depuis plusieurs semaines venait d’arriver : Tao l’avait convoqué. Il se doutait qu’il ne pourrait pas passer au travers des mailles du filet du grand gourou qu’était son chef. Tao était probablement trop occupé jusqu’à là pour lui toucher deux mots sur la mission qui lui avait été confiée il y a plusieurs mois. Cette soirée était une bonne occasion pour retrouver les grâces du leader de Kérés. A condition que le jeune homme ne joue suffisamment finement, et ne dise rien qui puisse lui porter préjudice.

Le bâtiment au cœur d’Itaewon fut rapidement atteint. D’un mouvement de tête, il salua le colosse chargé de garder la porte close aux inconnus. Il expliqua rapidement la raison de sa venue au même homme, qui ne pipa mot, se contentant de désigner la pièce où se trouvait Tao. Ga Ram passa son chemin en silence. Deux coups furent frappés à la porte, avant qu’il n’entre. Le Chinois était là, appuyé contre une table. « Bonsoir Tao. » salua le plus jeune en adressant un signe de tête respectueux à son vis-à-vis. Le dos bien droit, il se posta face à son chef. « Comment vont les affaires ? » ajouta-t-il, un sourire aimable aux lèvres. Ga Ram sa doutait que Tao n’allait pas faire dans la dentelle, ni même faire dans les fioritures. Aussi, il ajouta, histoire de prouver qu’il savait la raison de sa venue : « Ça faisait bien longtemps qu’on devait faire le point. » Son sourire s’étiola, ses lèvres se pinçant.

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Les sarcasmes ne tardèrent pas à pleuvoir. Ga Ram resta silencieux, lèvres pincés, opinant avec gêne. Néanmoins, son regard resta pointé dans celui de son vis-à-vis. Le Métraton dissipa immédiatement le doute : jouer la carte de l’émotion ne desservirait en rien sa cause. « Je sais. » répondit le nord-Coréen, d’un ton un peu sec. Il était venu en connaissance de cause. Il avait beau ne pas bien connaître son chef, il se doutait que se lamenter sur son sort ne lui vaudrait que davantage de foudre de sa part. Aussi, il avait déjà plus ou moins pensé à comment présenter la chose. Jouer à fond la carte de la dévotion, mais assez finement pour ne pas passer pour le premier des lèche-botte.

Il laissa le leader de Kérés terminer, avant de prendre une petite inspiration. Lèvres rapidement humectées, il s’essaya à faire un résumé rapide de la situation. « J’imagine que tu sais tout de la situation. Baek a su que j’étais à l’origine d’un attentat et a compris par elle-même que notre rapprochement était de l’ordre d’une mission. » La suite coulait de source – et de toutes façons, Tao avait entendu parler des retombées. Et justement parce que son chef lui avait demandé de ne pas se lamenter sur son sort, Ga Ram décida de ne pas s’étendre là-dessus. Il avait beau être à l’aise avec les mots et leurs tournures, il savait qu’il allait être difficile de retourner les choses pour les tourner à son avantage. Néanmoins, il ajouta : « Nous ne sommes plus en contact depuis ce jour-là. »

Il y avait tout de même autre chose sur laquelle il devait revenir. « J’ai entendu dire que Noah s’en était pris à elle. » Il n’allait pas préciser par quel biais, évidemment. Dans tous les cas, il pouvait toujours prétexter que les bruits allaient bon cours dans les couloirs du quartier général. « J’apprécierais que ça ne soit plus le cas. Je n’en ai pas fini avec elle. » ajouta-t-il, d’un ton plus dur qu’à l’accoutumée, sa main droite tressaillant à ses paroles. Il n'était probablement pas en bonne position pour réclamer quoi que ce soit, il le savait. Et à dire vrai, ces paroles n’étaient là que pour appuyer une idée supposée : un besoin de vengeance.

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Délicate situation. Quand Tao exigea des explications, Ga Ram déglutit. Il devait admettre ses torts, reconnaître ses bourdes. Lui-même ne se voilait pas la face : il avait vraiment merdé pendant sa mission. Pas tant parce qu’il avait fini à éprouver quelque chose pour Soo Mee – ou du moins, il savait que c’était quelque chose sur laquelle il n’avait aucune emprise. Mais bien davantage parce qu’il s’était fait prendre la main dans le sac par la concernée. Les choses auraient été nettement plus simples si elle n’avait pas découvert le pot aux roses… La preuve en était que maintenant, il avait des comptes à rendre des deux côtés. Et jouer sur les deux tableaux ne s’annonçait pas évident. Quoi qu’il en soit, Ga Ram décida de ne pas se faire trop expansif sur le sujet. « Des vidéos de surveillance. J’ai mal calculé l’angle mort dans lequel j’ai déposé les explosifs. » expliqua-t-il, sobrement. Quant à la pique qui lui fut ensuite adressée… Evidemment, elle fit mouche. Ga Ram serra doucement la mâchoire, agacé. « Avoir une main perforée est déjà très handicapant, tu peux me croire. » répondit-il. Un sourire maigre avait beau accompagner ses paroles pour que la forme se veuille respectueuse, le jeune homme ne put retenir une pointe d’amertume dans le ton.

Le Chinois resta longuement silencieux, le temps que Ga Ram n’expose les choses. Et ce silence ne présageait rien de bon, aux oreilles du plus jeune. Difficile de savoir ce que Tao pensait en cet instant-là, mais mieux valait partir du principe qu’il ne le croyait pas sur parole. Quand le leader reprit la parole, ce fut pour se faire dubitatif : la mission pourrait très bien reléguée à Noah. Et par ailleurs, il n’avait plus aucune raison d’accorder une once de confiance en le nord-Coréen. Et si ce dernier ne commenta pas davantage au sujet de Noah, ce n’était que pour mieux desservir sa cause. « Pourquoi ? » commença-t-il. Objectivement, Tao n’avait effectivement aucune raison de répondre à sa requête. En revanche… Ga Ram croisait fort les doigts pour que son vis-à-vis comprenne son « besoin de vengeance ». « Disons que je n’ai pas vraiment apprécié qu’elle foute ma main en l’air, qu’elle me mette probablement sur la liste des condamnés à mort, et plus généralement, qu’elle bousille complétement ma dignité. » poursuivit-il, acerbe au possible. Même si n’importe qui d’extérieur lui dirait qu’il était d’une incroyable mauvaise foi – parce que bon, c’était lui qui avait commencé –, tant pis : il n’en démordrait pas. Pas face à Tao. Il resserra la mâchoire, feignant de calmer son amertume. Finissant par relever son regard sur l’homme en face de lui, il finit par demander : « Qu’est-ce que tu comptes faire ? »

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Le temps que Ga Ram ne donne des explications, Tao alla se servir un verre. Le nord-Coréen resta impassible. Et pourtant, il se sentir tressaillir, imperceptiblement. Ses justifications ne feraient que davantage grincer des dents à son supérieur. Il le savait. Et quand bien même Soo Mee aurait découvert la vérité sans qu’il ne s’incrimine, le plus jeune avait parfaitement conscience que le Chinois aurait trouvé chose à y redire. L’intransigeance, résumée en un seul nom. Le gourou sembla néanmoins porter une oreille aux paroles du sous-fifre, puisque celui-ci ne manqua pas d’ironiser à nouveau, non sans rabaisser le concerné au passage. Et là, c’était une situation typique où Ga Ram se félicitait de savoir faire preuve de sang-froid : il n’allait même pas chercher à remémorer au Chinois les situations où, mine de rien, il avait su se montrer efficace sans se faire soupçonner l’ombre d’une seconde. Et ce, quand bien même il s’était mis dans une foutue panade par la suite… !

Après avoir trempé ses lèvres dans la liqueur, Tao revint vers Ga Ram, répliquant qu’il pouvait être un boulet pour l’organisation. « Je tiens à refaire mes preuves. » répondit-il dans la hâte, le regard droit et déterminé. Et pour cause : « Les intérêts de Kérés sont ma priorité. » ajouta-t-il, accompagnant ses paroles d’un petit mouvement de tête. Il aurait bien dit que l’organisation était tout ce qu’il lui restait ; mais il craignait que Tao n’interprète ces paroles en sa défaveur, décryptant que maintenant que Soo Mee ne faisait plus partie de sa vie, il se rabattait sur le terrorisme. Ce qui n’était pas le cas. Il tenait à jouer à fond la carte de la dévotion, certes, mais cette stratégie n’était pas basée sur un mensonge pur.

Quand Ga Ram confessa par la suite qu’il tenait à prendre sa revanche sur la brigadière, Tao lui sembla se faire plus réceptif à ses arguments. Mais peut-être faisait-il semblant de porter une oreille attentive à ses dires, pour mieux le radier après ? Le doute eut le temps de s’insinuer dans l’esprit du nord-Coréen, quand son vis-à-vis laissa un nouveau silence s’installer, se faisant pensif. Quand finalement il reprit la parole, l’aîné annonça que l’agent Baek devait être mise de côté pour l’instant. Et il était impensable pour Ga Ram se poser des questions sur les plans que le Chinois envisageait pour elle, à l’avenir. De fait, il se fit attentif à la suite, son chef semblant prêt à lui accorder une nouvelle chance.

On prend les mêmes et on recommence, donc. L’information mit du temps à monter au cerveau du jeune homme, qui pourtant par réflexe, opina dans la précipitation. Gardant toujours cette même expression déterminée, il attendit d’en savoir plus ; mais Tao ne semblait pas prompt à lui donner le nom de sa nouvelle cible, ni même d’autres détails, pour l’heure. « Entendu. » ajouta-t-il, acquiesçant à nouveau. Il aurait tout le temps de soupirer à tout va une fois sorti du quartier général, et maudire intérieurement l’homme en face de lui.

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